Un retour en France riche en émotions

Retour en France pour les vacances. Cela ne nous était pas arrivé depuis 2 ans. D’ailleurs pour moi en 7 ans, je ne suis rentrée que 4 fois. J’attendais donc ces vacances avec impatience. Mais au delà de la joie d’un retour en France, c’est surtout face à une montagne d’émotions que nous faisons face. Comme à chaque fois, on n’y pense pas forcément et petits et grands, nous n’y sommes jamais assez préparés. Si je n’ai pas écrit plus tôt cet article, c’est que je ne sais toujours pas par où commencer. Loin de moi l’idée de me plaindre, mais revenir passer des vacances en France quand on est expat au long court, n’est pas toujours forcément facile à gérer. On est soumis à une multitude de sensations personnelles à gérer.

Nous sommes partis le 4 juin, par un nouveau vol de la compagnie IcelandAir : un direct : Kansas City-Rekjavik, puis Rekjavik-Genève. une aubaine avec seulement 13 heures de voyages et juste un changement. Arrivés le lendemain matin, nous n’étions pas très frais car nous n’avions pratiquement pas dormi et la nuit aurait du être devant nous. Nous sommes repartis près de 1 mois après. Le bol d’air a été évident, mais bien au delà, c’est à une véritable tempête intérieure que j’ai du faire face. Je vous explique tout cela.

C’est un mélange de joies multiples

Arriver en France, c’est forcément un mélange de joies multiples : retrouver les siens, ses parents, ses frères et soeurs, les cousins et cousines, les amis, ça n’a pas de prix. Mais si pour eux, il y a la joie des retrouvailles, pour nous parallèlement, il y a d’autres démons à vaincre. Il y a d’abord, la fatigue à gérer et les nuits à recaler. Et pour moi, cette année, je crois que je ne m’y suis pas du tout faite. D’année en année, le recalage ne se fait pas rapidement avec toujours des réveils nocturnes qui n’aident pas à digérer le trop plein des autres émotions. La fatigue s’accumule et elle n’est pas souvent perçue par ceux qui nous accueillent. Elle n’est pas perçue ou plutôt pas comprise.

L’étroitesse à se réhabituer

A côté de cela, il y a d’autres micro-détails qui font que l’on se sent en permanence en porte-à-faux avec notre environnement. En vivant aux Etats-Unis, on s’habitue à l’espace : les routes sont plus grandes, nos maisons bien plus spacieuses et cela n’a l’air de rien comme cela ou alors, cela peut vous paraître un détail futile, mais n’empêche qu’il faut s’y réhabituer et c’est une sensation qui met quelque temps à se réajuster.

Oui, au début, je me sens toujours oppressée par l’étroitesse de tout, ce qui rajoute à mon inconfort. Heureusement pour moi, c’est transitoire mais il n’empêche que c’est une sensation à maîtriser. il faut en quelque sorte se ré-approprier l’espace.

Ces petits détails qui prennent de l’importance

Une visite dans un supermarché, faire du shopping, ou aller à la FNAC, tout devient source de conflit intérieur. La pire des tortures étant bien sûr la visite au supermarché. On aurait envie de tout acheter. Le rayon fromage vous fait de l’oeil, on ne parle pas de la charcuterie et même de voir les prix, vous donne vraiment envie de tout acheter ou alors même de tout plaquer et tout simplement rester pour toujours. D’ailleurs, on commence dès ce moment à acheter compulsivement ce que l’on souhaite ramener. Les derniers jours, l’épreuve de la valise, est un véritable tourment. Les kilos s’ajoutent et il faut parfois faire des choix cruels, ou alors se transformer en baudet en craignant le passage à l’embarquement.

Des souvenirs qui resurgissent

Se retrouver dans des endroits qui ont marqué votre enfance ou votre vie tout court, ça n’a pas de prix, mais les émotions se bousculent. Un sentiment de joie, mêlés parfois à de la tristesse : voilà tout ce que je manque en vivant loin. Ce sont aussi des sensations de “déjà-vue”, des sensations de “Madeleine de Proust”, qui vous submergent et vous transportent à travers un torrent de souvenirs, de sensations agréables ou désagréables. Ca peut être insignifiant, mais en fait, c’est la somme de tout qui fait que votre cerveau est en permanence en ébullition.

Bref, je voulais de vrais vacances reposantes, mes sens sont au contraire en permanence en mouvement. Je suis assaillie par ces sensations et ces émotions : en fait, je retrouve mes racines tout simplement : je me sens à la maison mais ce n’est que transitoire car ma maison n’est plus là. Les sentiments sont contradictoires et c’est cette ambivalence qui augmente cet inconfort.

L’urgence de faire certaines choses

Le temps étant limité, forcément, on a envie de faire plein de choses, aller voir plein de gens mais à un moment, on se dit que seul compte l’instant présent et qu’il ne sert à rien de courir partout. Alors, il faut faire des choix, optimiser au maximum ses journées, mais aussi concilier son propre bien-être en gérant certains inconforts. Pour moi, marcher en montagnes n’a pas de prix alors ben oui, je m’évade dans les alpages. Je me ressource dans ces espaces magnifiques.

et parfois dire non..

Parfois, dire non à des amis, la mort dans l’âme..  mais le choix se fait en fonction des plannings et pour moi depuis quelques temps en fonction de l’énergie que je ressens. Ca parait absurde, mais à un moment, il faut savoir se préserver, préserver les moments, savoir repérer certains moments précieux… surtout quand on est à Paris et que la ville immense vous bouffe du temps dans les transports.

Je n’avais pas vu toute une partie de ma famille depuis 11 ans. Les revoir a été l’une de mes priorités quand je suis venue à Paris. C’était comme cela. Et d’ailleurs la complicité retrouvée avec eux, m’a donnée raison. Et, j’ai du dire non à plusieurs amis. Le temps file trop vite.

Et j’ai aussi été assaillie par les demandes de partout, des amis, des connaissances : tout ce monde qui voulait me voir, me parler .. c’est gentil mais comment aurais-je pu faire ? J’avais besoin de temps pour profiter de ces moments aussi .. passer son temps à courir pour voir plein de monde, s’étourdir de rencontres en rencontres, de discussions en discussions, comment aurais-je pu ne pas m’épuiser dans cette course effrénée.

Le plaisir de retrouver la famille et les amis et les déceptions aussi

Il y a bien sûr le plaisir de retrouver la famille, mais aussi les amis. Mais parfois, il y a aussi les déceptions, au fil du temps, les liens se distendent. Chacun a ses soucis, ses habitudes et ses contraintes. Notre vie est maintenant très loin des préoccupations locales, nous en avons de nouvelles que l’on a du mal à faire passer ou qui ne sont pas perçues par nos amis. Et entendre de certains, “ah ben comme moi”, “ah ben comme en France”, non désolée, cela n’a rien à voir et c’est la mort dans l’âme qu’on finit par se taire parce-qu’on le sait au fond de nous, que rien n’est vraiment pareil. Bref, parfois, il y a comme un malaise qui s’installe.

Il y a même aussi des petites frictions à gérer : vivre en campant au milieu de ses valises en passant de maison en maison, entraîne aussi des moments d’inconfort, voire de friction. On explose en culpabilisant en même temps. La pression était trop forte – les émotions avaient juste besoin de s’exprimer.

La culpabilité et la tristesse de partir

Et puis quand sonne l’heure du départ, la culpabilité et la tristesse de partir vous assaillent toujours. Il y a bien sûr une part de moi-même qui veut rentrer chez moi, retrouver ma maison, mais il y a de plus en plus, ce besoin de rester. Cela touche aussi les enfants qui l’expriment de plus en plus. Alors, ben oui, repartir, ce n’est pas facile et voir aussi la tristesse dans les yeux de vos parents, cela n’aide pas à la surmonter.

Alors rentrer en France, c’est bien ou pas bien ?

Bien sûr, c’est bien et rien ne peut remplacer ces moments. Ils sont précieux et le mieux est d’en profiter un maximum à sa façon. Alors, de grâce, n’insistez pas trop quand vous voyez que l’on ne peut pas vous voir ou que l’on ne reste pas plus. C’est que parfois, il y a juste trop à gérer. On aimerait que certains moments soient éternels, on aimerait passer plus de temps à certains endroits, on aimerait que certains moments durent bien plus longtemps, mais très vite, d’autres lieux, d’autres personnes nous attendent et le cercle recommence …

En rentrant en France, on se crée des souvenirs, on retisse des liens et au final, on se ressource. Mais ce ne sont pas de simples vacances ou visites touristiques. C’est une période pleine d’émotions positives et négatives à gérer. Rien à voir avec les vacances à la mer ou les vacances à la montagne : non, ce ne sont pas des vacances, c’est juste une parenthèse dans notre vie d’expatrié, voire d’exilé, c’est aussi un retour aux sources, une façon de se ré-ancrer.

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16 Comments

  1. Très bel article, dont je partage la joie et la douleur, car effectivement nos retours en France ne sont pas des vacances, c’est souvent épuisant et un vrai mix de toutes sortes d’émotions… Du coup, nous ne le faisons “que” tous les deux ans. Et j’avoue que tout comme toi, dur de prendre la plume à ce sujet par la suite !

  2. Je trouve ton article très juste Isabelle, nous vivons aussi la même chose: une sorte de Tour de France / Marathon / Voyage diplomatique international (sans parler de la gestion de deux jeunes enfants!) Nous n’avons pas encore réussi à trouver la formule de retour en France qui nous correspond, mais on progresse de séjour en séjour 🙂 Bref, merci d’avoir mis des mots sur ces émotions complexes!

  3. says: Lesmartiesauxus

    Cet article est très juste à tout point de vue. Il me semble cependant indispensable quand on vit depuis plusieurs années à l’étranger et qu’on y est “installés” d’avoir son propre pied à terre en France: un appart ou une maison dans un coin que l’on apprécie où on est chez soi, avec ses affaires et où on peut inviter qui l’on veut. Ca n’empêche pas de se déplacer et cela permet aux enfants d’avoir un point d’ancrage. Je ne pourrais pas l’envisager autrement.
    Cela permet aussi éventuellement de pouvoir se projeter pour des retours en France plus fréquents qd les enfants ont quitté le nid.

    1. Ah ben cela c’est mon plus grand regret mais pour différentes raisons assez personnelles (à commencer par le manque d’argents : un mari au chomage sur 2 périodes ces 2 dernières années, 2 enfants étudiantes, cela n’arrange pas les finances), cela n’a pas pu se faire.
      C’est clair que cela aurait été une solutions. Il y a des choses qui sont difficiles parfois. Merci pour ton commentaire qui est très sympa.

  4. says: Sophia

    Je te comprends à 10000%
    Beaucoup d’émotions… et tu les retranscris très bien. On sent que ça a du être lourd par moment et que malheureusement tu n’es pas toujours comprise ou soutenue.
    Moi j’ai une très très grande amie comme toi, expatriée, que je n’avais pas vu depuis 1 an et demi et cet été, on n’a pas réussi à se voir et j’étais un peu triste mais jamais au grand jamais je ne lui ai fait passer de message négatif. J’étais heureuse pour elle et son retour, ses destinations, ses joies, ses vacances à elle! Et je sais que nous nous reverrons un jour. En attendant, il y a d’autres façons de communiquer et nous continuons de nous parler quotidiennement sur What’s app, loin de yeux mais jamais au grand jamais loin du coeur avec elle. J’espère que tu as ce genre d’ami-e-s autour de toi. Je t’embrasse.
    (Je te suis sur Instagram (Sonia-camille-Ulysse) et je te lis régulièrement. Merci de la richesse de tes articles.

  5. says: Catherine

    On connait tous ça, vivre ds les valises, passer de places en places, un canapé, un matelas, une chambre d’amis … je ne sais pas si c’est une option pour tout le monde, mais nous faisons du trocmaison depuis 6 ans et cela a carrément amélioré la qualité de nos vacances en France. Nous sommes “chez nous”, pouvons gérer notre temps, accueillir, partir et revenir…
    (Je t’écris ce commentaire de Montréal où je viens de déposer fifille, là aussi beaucoup d’émotions !)

  6. says: audrey

    Bonjour Isabelle,

    comle je comprends tes emotions. Et pourtant nous ne sommes expatries qu'”en Angleterre”. Nous avons garde notre maison en France puisque nous devions revenir mais les choses ont change. Malgre cela et le fait que nous rentrons a chaque fois pour une longue periode estivale, c’est vraiment epuisant. Nous sommes ravis de “catch up” avec tous nos amis mais il fut aussi que nous allions voir nos meres qui heureusement n’habitent pas loin l’une de l’autre mais la cohabitation nous pesent. Habiter loin nous habitue a ne compter que sur nous meme et a etre tres independants. Alors malgre le bonheur des retrouvailles et du temps passe ensemble, nous sommes toujours heureux de rentrer “chez nous” , en Angleterre donc. L’annee nous rentrons definitivement en France pres de nos meres. Je serai heureuse d’arreter de faire les bagages tous les 6/7jours.
    Avant de prendre la decision de rentrer en France, nous avions envisager de repartir a l’etranger mais chaque nuit, malgre l’excitation de nous imaginer ailleurs, je me sentais angoissee. Nos meres vieillissent et j’avais peur que les enfants se sentent deracines au bout d’un moment. Avec la rentree j’imagine que tes doutes se sont dissipes et c’est tres bien ainsi mais je les comprends.
    Bon courage pour cette nouvelle annee scolaire .

    Desolee pour ce texte sans accent mais le clavier de ma tablette fait des siennes…

    1. merci pour ton témoignage. Je dirai que chaque expatriation est effectivement révélatrice et amène à peu près au mêmes émotions : je les retrouve chez beaucoup; La différence, je pense, c’est qu’il est plus facile de rentrer quand on en a besoin d’angleterre que des US. Le nombre de mariage, ou même d’enterrement que j’ai manqué, parce que un biillet aller retour aurait été trop cher, que le temps de voyage n’était pas compatible. Le nombre de vacances que j’aurai aimé passer en France .. La découverte est heureusement à chaque fois sympe mais franchement, je m’interroge souvent

  7. says: Vincent

    N’étant pas expatrié, je ne connais pas trop ces émotions. Je peux juste faire part de mon ressenti.

    Lorsque en juin dernier, Alain était revenu en France, j’ai voulu absolument le voir. Nous avons pu nous faufiler dans son agenda de ministre. Tout le monde (moi y compris) voulant voir la famille Chautard. Mais on sent très vite que pour eux, c’est trop : courir partout, vouloir voir tout le monde, manger bcp trop, … Ca s’apparente plus à un marathon qu’à une promenade de santé. Et finalement, on ne se voit qu’en coup de vent : personne n’en profite, personne n’est content. On sent bien (surtout vers la fin de leur voyage) qu’il est temps que ça se termine.
    J’aurais mieux fait de ne pas m’incruster et de ne pas surcharger leur agenda déjà trop rempli quitte à être déçu. Je sais de toute manière que je les aurai revu à un autre moment.

    Tu parles également des grands espaces et de l’étroitesse en Europe (également de certaines personnes). Même après seulement 15 jours de vacances aux US (dans la famille Chautard justement), je ressens ces différences. Et le retour (surtout le dernier en juillet 2018) a fait assez mal (surtout lorsqu’on reçoit un mail assassin d’un membre de sa famille proche … )

    1. je relis cet article en trouvant ton commentaires toujours plein d’émotion. Merci d’essayer de comprendre. Et ce que je me dis de plus en plus : pourquoi je m’inflige tout cela ? Je ne rêve que d’une chose, c’est passer du temps à la montagne, dans mes montagnes. Les dernières années ont été rudes pour nous, et on ne s’en remet que maintenant … la suite on verra

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