Faire voyager ses enfants seuls .. Unaccompanied Minors

Envoyer ses enfants tout seuls à l’autre bout de l’Atlantique, c’est forcément une dose de stress caché, avec quelques cheveux blancs supplémentaires .. Vous rajoutez à cela une menace terroriste et là, c’est plusieurs nuits blanches assurées .. ok, quelques insomnies tout au plus… 
Bon, j’exagère un peu, mais forcément, mon cerveau reptilien de maman se met en état de veille comme si j’avais la possibilité d’avoir un quelconque pouvoir sur tous ces éléments… On confie ses enfants à un pilote, une carlingue et une compagnie aérienne et il faut accepter de remettre sa progéniture à la combinaison de tous ces éléments… ce n’est pas forcément évident à vivre .. sorte de perte de contrôles, abandon de sa toute puissance maternelle … instinct primitif de protection mis à rude épreuve…bref .. 
Au terme d’un mois et demi de séjour en France, mes 3 puces sont revenues à la maison… 
Je pense qu’elles s’en souviendront longtemps de ce retour chaotique.. et moi aussi.. 
Voyager de Kansas City jusqu’en France c’est déjà prendre au moins deux avions : car il n’y a aucun vols directs entre Kansas City et l’Europe, et la famille n’habitant pas à Paris mais en Province, il faut alors rajouter une connexion. J’étais pourtant toute fière d’avoir trouvé (enfin, grâce à une amie), un voyage avec juste une escale à Washington DC et une destination suisse, proche de chez mes parents qui habitent à Lyon. L’aller s’était fait sans encombre avec juste un retard au démarrage.

Mais hier, cela a été une autre histoire..
Ouf, l’avion avait bien traversé l’Atlantique sans encombre. J’étais déjà à souffler, quand la nouvelle est tombée : tous les vols directs Washington DC – Kansas City étaient annulés, mes filles étaient reschedulées (ça se dit en français ?) pour le lendemain … midi avec une connexion à Denver … Houla.. tous les scénarios possibles se sont bousculés dans ma tête : 3 mineures (âgées de 12 à 17 ans), sans carte bancaire, crevées, à errer dans l’aéroport.. 
J’appelle la compagnie, bafouille et n’arrive pas à me faire comprendre du répondeur vocale avec le numéro de résa, je réessaye trois fois, hurle presque le code à 6 lettres en prenant mon meilleur acent.. enfin, la machine comprend .. J’arrive à rentrer en contact avec une personne, lui explique la situation : 
Mes 3 filles sont mineures et il est hors de question qu’elles passent la nuit à l’aéroport .. 
Et là, tu passes pour la mère la plus indigne du monde : quoi ! elles sont mineures et voyagent seules sans assistance .. euh ben oui .. c’est autorisé non ? 
Bref, l’argument a porté et les voilà, reportées sur deux vols le jour même, via Denver.. dans ma joie, je n’ose même pas demander si il n’y a pas plus direct (je vous rappelle que Denver est à 1000 kilomètres à l’ouest de Kansas City) .. c’est vrai, cela aurait été plus simple qu’elle fasse escale entre les deux villes : Cincinnati par exemple, voir Chicago.. entre temps, mon cerveau reptilien de maman s’est remis en marche : j’ai envie de sauter dans ma voiture et d’aller les chercher à Washington, mais bon 15 heures de voiture.. est-ce bien raisonnable ?
Bref, j’arrive non sans mal à joindre mes filles, une heure après leur arrivée, après avoir envoyé 4 textos, un message sur What’s app et sur Facebook : il semble qu’il est maintenant interdit d’avoir un téléphone allumé dans la zone avant la douane.. au moins, elles ont passé ce filtre sans problème, ce qui était déjà un petit soucis pour moi .. .
Je leur expose la situation .. “don’t panic, try to find the gate, va voir les panneaux d’affichage,.. and just wait .. non, tu n’as rien à payer, oui essaye de voir pour les bagages.. juste essaye de récupérer les boarding pass.. et pose les questions,  vous êtes censées arriver à Denver vers 19h” (oui, il y a 2 heures de décalages entre Denver et Washington), mais qu’une heure pour KC qui est entre les deux destinations.. Elles reprennent l’avion avec une heure de retard.. moi je vais me changer les idées ailleurs .. j’ai une migraine qui pointe le bout de son nez : c’est toujours comme cela quand j’ai un coup de stress.. 
J’ai une pensée émue quand j’estime leur passage au dessus de ma tête vers 19h30 (heure locale : on jongle avec les fuseaux horaires)… et les retrouve à Denver par téléphone, une bonne heure après .. sauf que le vol suivant est déjà annoncé avec 1 heure de retard .. on croise les doigts qu’il ne soit pas annulés .. et on essaye de ne pas y penser, on avisera en fonction.
Idem, l’envie frénétique me reprend de sauter dans la voiture et d’aller les chercher, mais 10h de route pour Denver, est ce bien raisonnable ? Et la longue attente commence.. je prends l’option d’aller dormir un petit peu avec quand même une antenne en état de veille pour surveiller les prévisions du départ de l’avion. 
On s’envoie encore quelques textos .. histoire de les tenir éveillées pour qu’elles ne ratent pas l’avion..  qui lui semble cloué au sol ..
L’avion part enfin à 23h25, heure locale avec 1h30 de retard : il y a des orages à Denver, il est une heure de plus chez moi et il n’y a pas l’ombre d’un nuage.. 
Je sombre et ouvre un oeil à l’heure fixée pour partir à l’aéroport : il est 1:15 et l’avion semble être dans les airs.. j’embarque mon petit loup en pyjama sous le bras (mon mari n’est pas là) avec une couverture et un oreiller. 
Le pilote automatique est mis, mais j’essaye d’ouvrir l’autre oeil pour être en état de vigilance suffisant pour détecter les éventuelles intrusions de cervidés sur l’autoroute (le décès par collision de biches est la première cause de mort sur route au Kansas). Le passage sur la rivière Missouri est sinistre .. l’autoroute à cet endroit-là, n’est plus éclairée côté Missouri.. 
J’arrive enfin à l’aéroport, j’ai un coup de sang en me demandant si il est bien ouvert à cette heure-là : il est 2h du mat, il est désert.. je croise un balayeur qui me sourit et me demande d’un ton nonchalant : “How’you doing .. Mam ” .. je lui rends son sourire .. le vol de Denver arrive .. mes trois puces débarquent avec des petits yeux, mais rayonnantes. Les bagages ne sont pas là… ils n’ont pas suivi.
Pas de soucis, déclaration faite dans la foulée .. je mesure les avantages d’un petit aéroport : j’ai droit à un “Honey : don’t worry, we will deliver your stuffs soon : they are somewhere.” on rentre .. pilote automatique, allumettes dans les yeux .. retour à la maison dans la nuit noire, il est 3h15 .. tout le monde sombre enfin .. on peut annoncer la nouvelle : il est 10h15 en France : elles sont parties il y a juste 24h … elles ont 8 heures de retard …

Merci de me lire !

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4 Comments

  1. says: Alexandra M.

    Bravo, Isabelle, tu les as. Je connais bien ce syndrome de Lionne, c’est plus fort que nous. Nous partons dans 34 heures, faire le grand saut de notre vie, tous ensemble, moins stressant et ensuite Théo part tout seul dans quinze jours pour Singapour, l’angoisse monte déjà (avec un changement à Tokyo …). Profites bien des retrouvailles !

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