Le volontariat et le fundraising aux Etats-Unis

J’ai lu un jour, sur un forum, que les américains étaient de profonds individualistes et que leur société basée sur le libéralisme à outrance en était le reflet. Habitant depuis plusieurs années aux Etats-Unis, mes bras m’en sont tombés. J’ai compris alors que la société américaine était bien souvent incomprise, ses fondements s’appuyant principalement sur un système très organisé de volontariats, de bénévolats et de mécénats.

Volunteers from Shutterstock
Volunteers from Shutterstock

Oui, il n’y a pas un système de santé universelle, en tout cas pas comme celui que nous entendons. Oui, il n’y a pas de redistributions d’argent comme nous le voyons en France : pas de subventions d’organisations ou d’associations, pas de CAF, pas d’allocation au logement, ni d’allocation de garde d’enfants. .. oui, tout cela manque .. mais … il y a une énergie que l’on ne retrouve pas ailleurs dans le sens où, c’est la communeauté qui va aider et mettre à contribution les autres. Les gens se battent et s’organisent pour des causes et se démènent pour que cela aboutisse. Tous les moyens sont bons et le dynamisme est souvent impressionnant.

Le vocabulaire à connaître

Pour comprendre ce qui se passe, il faut absolument se familiariser avec le vocabulaire de base.

To volunteer (être volontaire), to sign up (s’insrire), sign up sheet (feuille d’inscription), fundraising (collecte de fonds), auction (enchère), auction diner, silent auction (enchères silencieuses), live auction, to bid (enchérir).

Je vous l’explique comment ? Pour volunteer, il faut sign up sur une sign up sheet qui rassemblera les volunteers. Le jour J, vous participez à un Fundraising event, cela peut être une silent auction ou une live auction : on vous demande juste de bider… vous me suivez ?

Les causes

Cela devait être au début de notre séjour ici aux Etats-Unis, nous étions tombés dans un tout petit village, sur des affiches, expliquant qu’une adolescente avait eu un accident de voiture. La personne avait été blessée gravement et en manque d’argent, ses parents avaient organisé une collecte de fond pour pouvoir lui fournir des soins. La communauté, ici un village, était mise à contribution pour aider et s’entre-aider.

Les causes à defendre sont multiples et nombreuses : cela va donc d’une personne dans un petit village, une famille à aider, une association à soutenir, un parti à financer, une église à entretenir, les associations de parents à l’école.

Tout est bon pour aider et demander de l’argent. Nous sommes solicités en permanence, mais là, où nous, français, nous nous sentirions dépassés, voire agacés, ici c’est normal et c’est accueilli avec intérêt. Au début, je ne comprenais pas.. et puis, maintenant, cela fait partie du jeu.

Je vous explique.

Donner de son temps : le volontariat !

Le volontariat est la clé de voûte de la société : les gens donnent de leur temps et apportent leur compétences dès qu’ils le peuvent.

Vous allez me dire, oui, en France aussi : je le sais et j’en suis consciente pour avoir, moi-même été volontaire dans différentes associations, avoir même été présidente d’une association gérant une halte garderie. Oui, mais l’ampleur est bien plus grande aux Etats-Unis. Cela fait partie de certains cursus de scolarité : les élèves dés leur plus jeunes âges sont amenés à aider et vont participer à des actions pour pouvoir apporter de l’argent pour une cause.

En High School, les élèves participent à des évènements humanitaires, des clubs, où ils vont solliciter d’autres pour leurs causes, mais aussi pour se faire financer des actions.

Mes filles sont déjà allées plusieurs fois aider à des soirées, où des enfants étaient gardés pendant que les parents pouvaient sortir. Chaque année à l’école, un voyage humanitaire au Guatemala est organisé et pour financer le coût du voyage, les élèves se démènent pour trouver de l’argent.

Par la suite, les parents sont très impliqués dans des associations qui interviennent à l’école : gestions des activités sportices, aides pour organiser des rencontres sportives. L’investissement de certains parents est parfois énormes. Certains sont omniprésents et semblent prendre tout en charge. Dans les écoles, les PTA (organisation parents-profs-étudiants) sont très développées et leur investissement est souvent impressionnant.

La base de tout cela est le volontariat.

Collectes d’argent / fundraising : restaurant, vente exceptionnelle, silent auctions, auction dinner, gala

Souvent, il est important de récupérer de l’argent, pour faire fonctionner une association, ou même compléter le budget de l’école. Il est vrai que nous sommes souvent sollicités. Tous les moyens sont bons pour récupérer de l’argent : le grand mot à retenir est FUNDRAISING !

  • On réalise des ventes de produits et un certain pourcentage est reversé à la dite association ou cause,
  • Un restaurant reverse un jour-dit, un certain pourcentage de ses recettes à l’organisme en question, sur présentation d’un bon qui aura été distribué peu avant,
  • On organise un dîner que l’on fait payer d’un prix symbolique assez élevé,
  • On fait appel à des dons d’argent,
  • On fait appel à des dons d’objets ou des cartes cadeaux que l’on va mettre en enchère : en général, c’est ce qui s’appelle une Silent Auction, ou une Live Auction (cela dépend du mode opératoire).
  • Les enfants d’une classe réalisent “une oeuvre d’art” et celle-ci est mise aux enchères en live : certains parents se battent pour l’avoir.
Silent auction
admedia / Shutterstock.com

A savoir, tout don est déductible des impôts et c’est pour cela que certaines personnes donnent des sommes astronomiques. A Kansas City, il existe une forte tradition de mécénat et la plus part des musées de la ville fonctionnent sur ce modèle-là.

Exemple de collectes de dons / fundraising :

  • C’est une école internationale privée dans la Silicon Valley qui organisait un Gala avec silent auction, et appels aux dons. L’année où j’y étais, ils avaient engrangé près de 400 000 $… pour équilibrer leur budget et apporter une touche originale à l’école, et cela venait bien sur en plus des frais de scolarité qui étaient déjà assez élevés.
  • C’est par exemple, l’école de mon fils qui organise un dîner où on paye sa place et on participe ensuite à une “silent auction” et une live auction des oeuvres d’art des enfants : l’argent récolté est utilisé pour améliorer l’école : construction d’un espace de jeu dans la cours, rachat des jeux pour enfants … cette année, ils ont récolté 6800$.
  • C’est par exemple, la fois en Californie où des parents s’étaient mobilisés pour que la ville entière complète le budget des écoles et empèchent le licenciement de professeurs : le gouvernement californien d’alors avait coupé les budgets : qu’à cela ne tienne : une collecte géante à l’échelle de la ville a été organisée. Tous les restaurants de la ville avaient joué le jeu et avaient reversé 20% de leur recette au school district local, un jour dit. Une collecte de fond sur internet avait été organisée. De 1 à 2 millions de $ avaient ainsi été récupérés en quelques mois.

L’exemple de la musique en High School dans la High School

Même si le professeur de musique est rémunéré par l’école, l’organisation et la gestion des quelques 160 élèves du marching band est pris en charge par les parents. J’ai reçu aujourd’hui un email, m’invitant à répondre à un sondage (survey), pour indiquer sur quoi, j’étais susceptible d’aider pour l’année prochaine et ce en fonction de ce que je voulais faire mais aussi en fonction des compétences que je pouvais apporter.

Dès le mois d’aôut, les parents sont mis à contribution, pour répartir les uniformes, les raccourcir éventuellement, les rapiécer si besoin. D’autres parents, gèrent le budget du Band Booster (bureau de l’association), tandis que d’autres vont gérer le site web, la vente des tee-shirts ..

marchingband

Enfin et c’est le clou de l’année, le big Fundraising event : un banquet organisé. C’était la semaine dernière : je m’étais inscrite pour aider. Le banquet, un bien grand mot, mais quand même a été organisé par les parents et cuisiné par eux-même : il a été demandé à tous les élèves de musique d’amener, une boite de conserve, du fromage rapé ou des crackers.. le jour J, le plat principal servi était du chili, vendu 5$ l’assiette.

Les élèves ont joué toute la soirée des morceaux, assurant ainsi le passage de nombreux parents des écoles élémentaires à la High School en passant par la Middle School.

Une “Silent Auction” a été organisée : des parents s’étaient réunis dès le mois d’octobre pour commencer à organiser : cela impliquait de démarcher des commerces, entreprises et organismes pour obtenir des dons afin de les revendre en les mettant aux enchères. Certains particuliers ont aussi fourni des petits trésors. Le jour- J, les gens ont “bidé”, certains pas mal, plusieurs objets en tout cas, nous y compris. Les objets étaient étalés sur des tables avec chacun d’eux une feuille où on pouvait indiquer son numéro (attribué à l’entrée) et indiquer un montant. Il y avait des lots de toute sorte : produits de beauté, des bons d’achat, un ballon de foot signé par un joueur connu.

Résultats, nous avons gagné (enfin, nous avons payé une couverture pour un montant de 40$ alors qu’en vrai elle en coûtait 50 ; pour les autres enchères placées, dont des leçons de conduite, nous n’avons pas misé assez). Une trompette avait été mise en enchère, elle a été vendue à plus de 3000 $ : j’ai vu un petit gamin aller demander à son père de rajouter de l’argent pour pouvoir l’obtenir.

En tout, les enchères ont permis d’amener plus de 8300 dollars. Nous avons eu droit quelques jours après à un mail de félicitation et de triomphe de l’organisatrice .. ils avaient percé tous les records.

Voilà, ça se passe comme cela aux US. Et demain cela continuera : les vétérans qui envoient un courrier, une invitation à aller un jour-dit dans un restaurant, les girls scouts qui sonnent à votre porte pour vendre des gâteaux.. .. alors qu’on ne me dise plus que les américains sont individualistes ; ils savent que pour obtenir des résultats, il faut aussi se battre et que rien ne tombe du ciel.

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19 Comments

  1. C’est quelque chose d’important ce que tu pointes du doigt. En France il y a quand même nettement moins de personnes qui font du bénévolat, participent aux associations et sont capables d’aider à tout va.
    L’État se charge de beaucoup de choses et on se retrouve donc à compter sur lui, en ne manquant pas de traiter beaucoup de bénéficiaires d’aides d’ “assistés” d’ailleurs.
    Je suis quand même contente du système français, ça rassure, mais je trouve dommage qu’il nous manque du coup cet esprit de solidarité. Ce n’est pas en France qu’un patron encouragerait ses salariés à partir à l’autre bout du pays apporter leur aide suite à une catastrophe naturelle ou autre. Aux US, si.
    J’imagine qu’on doit du coup être plus “connecté” aux gens aux US, on doit faire des rencontres beaucoup plus souvent grâce à ça aussi, ça crée du lien. Et ça fait franchement rêver.

    1. says: Isabelle

      merci pour ton commentaire .. en fait, oui et non .. tu as raison de dire que l’engagement est moindre en france et que l’état supplée à plus de choses.. (mais il y a des initiatives locales : là où j’habitais près de grenoble, le village avait une très forte tradition dans l’associatif et j’ai été un pillier d’une des leurs). il y a toujours des points positifs et des points négatifs (comme le fait que certaines personnes sont alors un peu assistés), le revers de la médaille aux US existe aussi : le fait que l’état est tellement désengagé dans certains endroits que la pauvreté appelle la pauvreté.. je crois que aucun modele n’est parfait.. SInon, pour les rencontres : là aussi c’est pas si simple que cela .. tu fais des rencontres, tu vis des choses très fortes avec des gens, mais comme ils sont super busy et toujours en mouvement, il n’y a guere de temps pour créer des vraies liens d’amitié ..

  2. says: Vincent

    Le système belge (et français) est fort rassurant. Mais ce système fait de nous en partie des assistés (moi y compris). Pourquoi faire du fundraising et organiser tout quand l’état se charge de financer l’ensemble (via nos impôts et taxes) ? Et donc quand l’état coupe dans les budgets, on crie ici (en Belgique et en France) au scandale lorsqu’au Etats-Unis on essaye de trouver des solutions et de trouver de l’argent.
    Je pense que la société américaine fonctionne en n’attendant RIEN de l’état fédéral et donc se finance (en partie) via les associations, levée de fonds, enchères, …

    Article TRES intéressant, on comprend mieux comment fonctionne la société américaine.

    1. says: Cayla

      Bonjour,
      Personnellement, je suis bien contente d’être assistée quand il s’agit de santé. (Enfin, assistée, je cotise, hein.) Les appels au don pour quelqu’un qui a un cancer ou vient d’avoir un accident de voiture, ça me fait froid dans le dos !
      Pour le reste, je suis d’accord avec Isabelle, chaque système a ses avantages et inconvénients… En France, on a souvent du mal à bouger beaucoup de monde pour un projet ou une association, et ceux qui participent de loin se reposent sur les responsables.
      Mais je voudrais quand même rappeler que pendant que des ados super-impliqués dans les clubs et autres font du bénévolat et du sport, d’autres travaillent toute l’après-midi et la soirée, pour subvenir à leurs propres besoins. Tout le monde n’est pas impliqué, et c’est la même chose pour les parents.

  3. says: Marion

    Article tres interessant et qui me fait chaud au coeur aussi. Envisager la societe americaine comme une societe purement individualiste et capitaliste c’est occulter toute une partie de sa culture. Je suis contente que tu aies fait cet article, cela remet certaines choses a leur place.

    1. says: Isabelle de FromSide2Side

      cela doit être anglosaxon alors .. ou alors une forme d’opposition au pouvoir central .. parce-qu’au fond c’est cela ..

  4. says: Catherine

    Excellent Isabelle ! Je viens de finir un projet communication pour la German School Washington autour du Fund Raising. Pas évident ! Alors que les familles américaines comprennent immédiatement pourquoi il est important de supporter leur école, les Allemands/Suisses/Autrichiens refusent catégoriquement. Leur argument : les frais de scolarité sont suffisamment élevés pour tout couvrir. Un grand travail de comm, et à refaire tous les ans au vu du turnover dans les écoles avec beaucoup d’expats.

  5. says: Annem

    Tres bon article !
    C’est justement parce qu’il n’y a pas pas toutes ces allocations en tout genre (logement, garde enfants, rentrée scolaire et j’en passe) qu’il y a toute cette energie mise en oeuvre aux US a travers le benevolat.
    Chacun est responsable de son destin et effectivement l’Etat ne se mêle pas de grand chose. TANT MIEUX !!!

    1. says: Isabelle de FromSide2Side

      oui et non .. le jour où vous êtes malade.. c’est à vous d’assumer et de nombreuses personnes y laissent leurs chemises dans l’histoire : aucun système n’est parfait .. et d’autres part, je crois que ce qu’on oublie dans tout cela, c’est que ce n’est pas donné à tout le monde de pouvoir aider .. du coup, cela entretient une société à deux vitesses et ça il ne faut pas l’oublier non plus

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